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Durant l’Entre-deux Guerres, l’Armée Française crée les Régiments de Pionniers. Ceux-ci, contrairement à ce que leur nom peut laisser supposer, sont rattachés à l’Infanterie, même si en pratique ils appuient souvent des détachements du Génie.

Ces régiments sont constitués avec les classes d’âges anciennes, des réservistes et parfois aussi des opposants politiques (communistes, artistes engagés…). En somme il s’agit d’unités de deuxième ligne, faiblement armées et entraînées. Les Instructions sur l’organisation du Terrain, datés de 1940, précisent que les R.P. « n’ont pas de compétence technique particulière. Ils sont employés, de préférence, aux travaux d’intérêt général ». Les Régiments de Pionniers servent ainsi d’auxiliaires tant à l’Infanterie qu’au Génie. Si l’on s’en réfère au Règlement de l’Infanterie de 1940, les pionniers « peuvent être chargés de remettre en état les itinéraires dont l'utilisation ultérieure par les chenillettes est envisagée, d'aménager les postes de commandement successifs du régiment ou d'aider les chars pour le franchissement de certaines parties difficiles du terrain ». Les pionniers d’Infanterie creusent également les tranchées et les obstacles défensifs anti-char (fossés, mines), créent les postes de secours, assurent des postes de garde (à l’instar des régiments régionaux) camouflent les itinéraires et peuvent être amenés à assurer le ravitaillement. Leur faible capacité défensive rend ces régiments particulièrement vulnérables en cas d’attaque ennemi et les pertes peuvent être particulièrement élevées.

Nous allons nous intéresser, au travers de l’uniforme de l’un de ses sous-officiers, au parcours du 3e Bataillon (9e, 10e et 11e Cie) du 445e R.P.. Le 445ème Régiment de Pionniers est mis sur pied à partir du 25 août 1939. Il est directement rattaché à la 9ème Armée et est donc employé et dispatché par celle-ci selon les besoins. La 9ème Armée est disposée le long de la Meuse avec de faibles moyens. Les cadres du 445ème R.P. sont principalement issus de la réserve et encadrent un effectif plutôt âgé. Les hommes de troupe viennent en majorité de la Sarthe.

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Les opérations d’incorporation continuent jusqu’au début du mois de septembre. Les livrets matricules sont perçus le 8 et 9 septembre et les capotes bleu clair sont rendues au centre mobilisateur ce qui indiquerait la perception d’effets kakis. L’armement est quant à lui perçu le lendemain et sert dès le 11/9 à la garde du dépôt de cidre du régiment.

Côté matériel, si aucune liste précise ne nous est parvenue, on peut tout de même s’appuyer sur un document de juin 1940 précisant l’équipement rapporté par la 6e Cie lors de son regroupement. L’arme individuelle pour la troupe est l’ancien fusil Lebel 1886-93 et l’armement collectif, dont l’instruction commence dès fin septembre 1939 est constitué de F.M. 1915 Chauchat. Outre cet aspect guerrier, il faut bien entendu penser aux outils qui sont à la base même de la mission des pionniers : pelles, pioches etc. Le train est assuré par des véhicules motorisés (notamment pour les liaisons) et hippomobile comme c’est bien souvent le cas dans les armées de 1940. Hérité du traumatisme de 14-18, le masque à gaz fait l’objet d’une attention particulière et de conférences données à la troupe sur les armes chimiques.

Le mois d’octobre 1939 est occupé par les travaux agricoles (arrachage des betteraves, récoltes diverses, corvées de bois) et par la mise en place de postes de garde et de guet. Indiqué dans le JMO du bataillon, la peur d’une attaque aéroportée ennemie est grande et des rondes s’organisent. Le 12 novembre, une prise d'armes est faite au monument aux morts d’Agnicourt (P.C. du 3/445e R.P.). Les effectifs du régiment baissent dans le courant du mois de mars 1940 suite au renvoie des classes de mobilisation plus ancienne mais ce phénomène semble peu affecter le 3e Bataillon. Le général Corap, commandant la 9e Armée adresse une lettre de félicitations au commandant du 445e R.P. pour les travaux effectués par la 9e Cie à la Chaussée d’Hary.

Au 10 mai 1940, le 445e R.P. est morcelé. De multiples détachements, allant de la compagnie à de simples groupes de 4 ou 5 hommes sont dispersés sur un front de 110 km de long et 65 de profondeur. Toutes les compagnies ne sont pas équipées de téléphones, et au 3e Bataillon, celles-ci sont distantes les unes des autres de 10 à 40 km ! En somme, l’histoire du régiment dans son ensemble est difficile à définir tant l’unité est dispersée. Aux premiers jours de l’offensive, le 3e Bataillon est organisé comme suit :

 

9e Cie : défend le Q.G. de la IXe Armée à Agnicourt où stationne l’État Major du Régiment et du Bataillon. La majeure partie de ses hommes sont faits prisonniers en protégeant le repris de l’État Major.

10e Cie : Isolée à Aubenton, la compagnie combat mais est rapidement faite prisonnière.

11e Cie : Chargée de la garde du pont d’Agnicourt, les hommes sont isolés des autres compagnies. Ceux-ci sont fait prisonniers avec leur commandant.

 

A partir du 21 mai et suite au replis général de la IXème Armée, le 445e R.P. est réduit à un petit groupe réuni autour des État Majors d’Agnicourt. Le J.M.O. du 24 mai note ainsi :

« Les divers éléments des 3 bataillons présents à la Mare d’Ovillers sont regroupés en 2 compagnies, la 1ere sous les ordres du Capitaine Boitte avec le lieutenant Notherber, et 135 hommes, la 2ème compagnie commandée par le lieutenant Petit avec 103 hommes. Cette formation, appelée Formation C est placée sous les ordres du Commandant Denis et mise à la disposition d’un P.M.A. [note : Parc de Munitions de l’Armée] »

La Formation C participe à la mise en place des défenses de Froidmont près de Compiègne. A partir du 8 juin s’entame un long repli. La Seine est franchie le 13 juin au niveau de Melun, la Loire le 16 sur le pont de Sully. Fin juin, ce qui reste du groupe de pionnier arrive en Dordogne et cantonne à Vitrac puis à Saint-Jean de Côle à partir du 29. La guerre est fini, les effectifs sont progressivement démobilisés entre la fin juillet et le début du mois d’août. Les volontaires quant à eux se rengagent dans le nouveau 445e R.P. de l’Armée d’Armistice.

Source : Service Historique de la Défense Vincennes, côte 34 N 336

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15 avril 1940, revue des troupes en tenue de campagne par le chef de Bataillon.

Ce sergent du 445ème R.P. porte sa coiffure de repos et seulement l’équipement nécessaire pour le travail, le reste du paquetage étant rangé non loin au cantonnement de la section. Soucieux de son apparence, ce sous-officier enfreint de nombreux règlements militaires mais dépeint en cela la multitudes d’effets et de pratiques plus ou moins réglementaires observées dans les rangs. Le bonnet de police est de confection tailleur, en drap peigné clair. Il porte un galon lezardé indiquant le grade de sergent et un passepoil noir fantaisiste. Soucieux de son apparence, ce réserviste s’est fait faire une vareuse modèle 1939 à col ouvert (initialement destinée aux officiers!). Elle est ici réalisée en drap peigné kaki assez épais. Les vareuses à col ouvert ne deviendront réglementaires pour les sous-officiers qu’à partir de 1941 et des tenues d’armistices. Les boutons sont semi sphériques et dorés, couleur des galons de manche. Une fois encore, ceux-ci devraient être kaki en campagne. Les chiffres des pattes de collet sont brodés en cannetille pour se rapprocher une fois de plus des effets des officiers. L’absence de soutaches indique bien une affectation pour les pionniers. Sur son ceinturon, on retrouve une musette modèle 1892 et une musette pour ANP 31. Le sous-officier est armé d’un pistolet automatique de type Ruby.

note : ici le ceinturon est un modèle pour officier, la chemise et la crave ne sont pas conformes.

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